Pour impulser et accompagner le développement de cultures à faible niveau d’impact sur l’eau, les agences de l’eau financent une mission d’animation au sein des collectivités. Ces animateurs organisent la concertation territoriale pour avancer vers des pratiques durables. Benjamin Pallard est l’un de ces animateurs dans l’Hérault, responsable du service environnement aquatique au sein de l’Agglomération du Pays de l’Or. Il nous explique son métier, humain avant tout, technique et engagé.

“Il s’agit avant tout d’être humain dans son approche, de prendre le temps de discuter, de comprendre les enjeux de chacun et de créer du lien pour emmener un maximum d’acteurs sur des projets d’intérêt commun.”
Comment devient-on animateur agro-environnemental ? Quelles compétences sont nécessaires ?
Je suis d’abord un ingénieur agronome, spécialisé en gestion de l’eau, des sols et de l’environnement. J’ai commencé à travailler dans l’Hérault en 2010, à l’association climatologique. Ma mission : mettre en place la cartographie numérique pour une meilleure prise en compte du sol dans les projets agricoles, environnementaux ou urbains. Il s’agissait d’offrir un service aux collectivités pour les aider sur ces questions. C’est là que je me suis attaché à cette notion de service public.
Je suis ensuite parti vivre en Belgique, en 2011, où j’ai repris des études de politiques européennes, poussé par l’envie de découvrir ce pays et de concrétiser un petit rêve : contribuer au projet européen. J’ai finalement travaillé au bureau de représentation de la région Provence-Alpes-Côte d’azur à Bruxelles auprès des institutions européennes. J’assurais le lien entre l’institution régionale et les institutions européennes sur les questions environnementales, agricoles, maritimes et de transports.
Retour aux sources dans l’Hérault en 2016, j’intègre l’Agglomération du Pays de l’Or en tant que responsable du service environnement aquatique. Mes compétences sont à la fois agronomiques de par ma formation initiale, institutionnelles de par mon parcours, et au fur et à mesure, je me forme à l’écologie. Je complète ces savoirs techniques par des compétences d’animation, incontournables lorsqu’on occupe un poste d’animateur agro-environnemental. Pour cela, mes loisirs m’aident un peu : je fais du théâtre dans une troupe d’improvisation depuis plusieurs années. C’est utile pour construire une animation conviviale, notamment face à des tensions lors de réunions publiques.
Quel est le rôle du service environnement de l’agglomération ?
Le service environnement aquatique a deux objectifs : la protection de l’eau souterraine d’une part, afin de préserver la ressource eau potable du territoire, la protection et la gestion des espaces naturels, environ 850 ha autour de l’étang de l’Or d’autre part.
Et donc, c’est quoi un animateur agro-environnemental ?
Ma mission principale est de mettre en œuvre le programme d’actions de reconquête de la qualité de l’eau des 10 captages du territoire. Une collègue animatrice, Laure Ruynat, également agronome, m’appuie dans cette mission. Ce programme d’actions est avant tout partenarial, d’où l’importance de l’animation. Les actions se mettent en œuvre avec les agriculteurs, les coopératives, les associations de jardins partagés, les communes. Et le programme existe grâce à l’implication de la Chambre d’agriculture, du Civam Bio, de la Safer, et bien évidemment de l’Agence de l’eau.
Mon rôle ce n’est pas pas de pouvoir répondre à toutes les questions techniques, c’est surtout de réussir à mettre autour de la table tous les acteurs et de créer une dynamique. Il s’agit avant tout d’être humain dans son approche, de prendre le temps de discuter, de comprendre les enjeux de chacun et de créer du lien pour ensuite emmener un maximum d’acteurs sur des projets d’intérêt commun.
Il faut être identifié, afin que les gens aient le réflexe de se dire « sur cet enjeu, j’appelle Benjamin ». Cela me semble d’autant plus important dans le cadre de l’eau souterraine qu’on ne voit pas, on ne se promène pas dans la nappe et on peut vite l’oublier ! C’est donc d’autant plus important d’animer, pour créer une dynamique et la faire vivre.
À quoi ressemblent vos journées de travail ?
Mes journées ne se ressemblent pas ! Il peut s’agir d’organiser une démonstration de matériel agricole pour les agriculteurs, pour le désherbage mécanique en alternative aux herbicides par exemple. Ou encore de préparer une formation agronomique sur la connaissance des sols et la vie du sol. Je participe à des réunions de chantier, en ce moment, nous construisons une aire de lavage des pulvérisateurs agricoles : une infrastructure pour éviter les pollutions lors des opérations de remplissage/rinçage des pulvérisateurs. C’est aussi des réunions pour informer les agriculteurs sur le passage en bio, ou des rendez-vous sur les exploitations pour réaliser des diagnostics de leurs pratiques agricoles et les conseiller dans l’évolution de celles-ci. C’est enfin, un temps consacré à l’acquisition foncière : l’Agglomération achète régulièrement des terres autour des captages, pour protéger ces derniers.
Et le programme d’actions ne se limite pas aux agriculteurs. Tout le monde est concerné. Ainsi une partie de mon temps est consacré à des animations pour le grand public, par exemple pour les sensibiliser au zéro phyto dans les communes. Et il y a enfin un temps pour répondre aux questions des particuliers, d’entreprises ou des services espaces verts des communes.
Mes journées se partagent ainsi entre la mise en œuvre concrète de ces actions, la présence sur le terrain, le lien avec les partenaires du programme d’actions et le lien avec les autres services de l’Agglomération.
L’animation, c’est donc un métier de terrain ?
C’est un métier polyvalent : il est technique car on parle d’agronomie, d’écologie, d’analyses de la qualité de l’eau, d’hydrogéologie, de réglementation. Il est administratif, car je travaille pour une collectivité, il y a donc des marchés publics, des aspects comptables, des ressources humaines. Il est surtout humain, car un programme d’actions vit grâce à l’implication de chacun. Pour cela, on a beaucoup d’outil, mais le premier, l’incontournable, c’est le lien que l’on crée avec les gens et la confiance.
Sans oublier qu’à la base, c’est essentiel de connaître ce que l’on protège. Cela passe par des études pour comprendre le fonctionnement de la nappe souterraine et des analyses de l’eau pour connaître l’état de la pollution.
Avez-vous des exemples concrets d’actions mises en place ?
« Agri Bio : produire et manger Bio en Pays d’OR » est une action née en 2013, de la « rencontre » entre le service de l’eau et le service restauration collective. Le service de l’eau avait un intérêt à développer des surfaces en bio autour de ses captages, pour protéger la ressource. Le service restauration collective cherchait à développer la part de produits bio et locaux dans les cantines. Ils avaient tout intérêt à voir se développer des fermes bio en Pays de l’Or.
En 2013, deux actions se mettent ainsi en place. Le service de l’eau intègre un objectif de développement du bio dans son programme de protection des captages. Il réfléchit à un accompagnement technique auprès des agriculteurs : réunions d’informations, diagnostic gratuit à la conversion. Cette action se concrétisera en 2016 avec le lancement du dispositif, animé par la chambre d’agriculture et le Civam Bio.
En 2013 également, le service restauration collective commence à acheter des produits bio pour les cantines. De 2014 à 2019, la part du bio dans les cantines est passée de 4% à 26%.
Cette action ne cesse de se compléter au fil du temps et d’intégrer d’autres services de la collectivité.
Les élus soutiennent la dynamique, en créant un écosystème favorable au développement du bio.
En 2017, les élus délibèrent en faveur de l’achat au prix du bio des produits en conversion, soit une surcote de 10 à 15% du prix. Objectif : soutenir la dynamique de conversion sur le territoire.
En 2018, les élus mettent en place l’opération « compost à la ferme » : mettre à disposition des agriculteurs du broyat végétal issu des plateformes de déchets verts, certifié pour l’agriculture bio, à un prix très réduits.
La même année, les élus délibèrent en faveur de l’exonération de la part intercommunale de taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles en production biologique, suivi par plusieurs communes qui exonèrent à leur tour sur la part communale.
C’est une démarche globale qui contribue à différents objectifs de la collectivité : reconquête de la qualité de l’eau, alimentation saine, réduction des déchets verts… Différents services sont ainsi mobilisés : eau, restauration, déchets, fiscalité. Ainsi d’une approche sectorielle portant sur la ressource en eau, on a aujourd’hui développé un projet global pour le territoire.
Et vous, plus personnellement, qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?
Personnellement, au-delà d’un objectif réglementaire de l’atteinte de bon état des eaux, ma motivation est de contribuer à mon niveau à la reconquête de la qualité des milieux naturels. Au-delà de l’enjeu environnemental, c’est un enjeu de santé publique, qui concerne chacun. C’est une nécessité : il faut faire cette transition et l’animateur est là pour accompagner cette transition, l’impulser, la favoriser.
Grâce à ce poste je peux participer à cette transition pour reconquérir les ressources naturelles. Je peux aider à une prise de conscience sur l’importance de ces enjeux. Il s’agit de ne pas rater une occasion de sensibiliser un collègue ou un usager. Et de pouvoir aider à créer une dynamique collective sur ces questions.
Photos © Frederic de Bailliencourt
Vidéo © Pays de l’Or Agglo