
Restauration des cours d'eau : et s'ils se la coulaient douce ?
Les cours d’eau constituent des écosystèmes fragiles, dont l’équilibre dynamique a été bousculé par de nombreux aménagements, réalisés dans l’objectif de faciliter les activités humaines. Aujourd’hui, ces aménagements révèlent des pressions face auxquelles l’homme doit faire face différemment, dans l’objectif de rétablir un fonctionnement naturel des milieux. La restauration écologique des cours d’eau est une démarche qui permet de restituer un écosystème donné, et donc de rendre à ce dernier toutes ses fonctions. Car oui, les cours d’eau ont de nombreux rôles !
Restaurer l’équilibre écologique des cours d’eau, oui mais comment ? Et pourquoi ? On vous explique tout ce mois-ci !
Les cours d’eau ont la pression !
Depuis le Moyen-Âge, et même avant, les cours d’eau ont été aménagés par l’homme pour faciliter la mise en place de ses différentes activités.
- Satisfaire la navigation
- Optimiser la surface agricole
- Réguler les crues
- Etendre les territoires urbains
- Produire de l’énergie
- Effectuer les adductions d’eau et des extractions de minéraux
Cette anthropisation s’est accélérée à partir du milieu du XIXème siècle, où les aménagements les plus lourds et les plus étendus ont été réalisés. Ils ont généré des pressions sur les cours d’eau, bousculant l’équilibre dynamique naturel des fleuves et rivières. Concrètement, quelles sont les altérations causées par les modifications effectuées sur les cours d’eau pour faciliter les activités humaines ?
- L’altération des formes
L’homme a modifié la géométrie des cours d’eau en les façonnant en long et en large pour en recalibrer le tracé. Par conséquent, le débit des cours d’eau augmente et leur lit se creuse, entraînant de nombreux déséquilibres. - L’altération des flux
Les aménagements effectués sur les cours d’eau ont eu des conséquences néfastes sur leur flux. Par exemple, l’érosion de sols agricoles entraîne des coulées de boues qui obstruent les fonds des cours d’eau, provoquant anoxies et rendant inutilisables les lieux de pontes des poissons. - L’altération de la continuité
Les cours d’eau sont reliés à des nappes phréatiques ou à des zones humides, formant des milieux interdépendants dont l’équilibre est aussi fragile que précieux. Certains aménagements ont rompu ces liens entre différents milieux, perturbant par la divagation des cours d’eau, provocant l’accélération des crues.
Vous l’aurez compris, l’aménagement des cours c’est un peu comme l’effet domino : un aménagement entraîne un déséquilibre sur le milieu, auquel on répond par un nouvel aménagement, qui provoque un nouveau déséquilibre… Et c’est un cercle vicieux qui bouscule les milieux et dont les conséquences ne sont pas sans effet.
Restauration écologique : mais qu'est ce qu'on restaure ?
Restaurer les cours d’eau, oui mais pourquoi ? Quels sont les conséquences des aménagements sur l’équilibre des milieux ? Les fleuves, rivières et autres ruisseaux ont des fonctions écologiques bien particulières, qui ne peuvent plus être assurées s’ils sont en mauvaise santé. Mais au fait, quels sont les services que rendent les cours d’eau ?
- la fonction physique
Directement liée aux variations de flux d’un cours d’eau, elle correspond à la capacité d’un fleuve ou d’une rivière à stocker l’eau quand son niveau augmente et à atténuer l’onde de crue lorsqu’il déborde. La fonction physique d’un cours d’eau implique également sa capacité à fertiliser les sols grâce aux alluvions, qui selon les zones géographiques sont caractérisées par un dépôt de débris tels que du sable, de la vase, de l’argile, des galets, du limon ou des graviers au fond des cours d’eau.
- La fonction hydraulique
Les cours d’eau ont un vrai rôle d’épuration naturelle ! Grâce à l’action et la vitesse de l’eau, de nombreux processus sont effectués naturellement : les sédiments sont par exemple transportés par l’eau via les radiers, parties d’un cours d’eau peu profondes sur lesquelles l’eau s’écoule rapidement. Parallèlement, les milieux humides (zones tampons) ont un rôle épurateur et régulateur sur la ressource.
- La fonction écologique
Ce n’est plus un secret, l’eau est un support de vie ! Des cours d’eau en bonne santé, c’est aussi préserver la biodiversité qu’ils abritent et permettre le retour d’espèces emblématiques, comme les poissons migrateurs ou même les loutres.
- La fonction paysagère
Une rivière en pleine forme, c’est beau ! Se balader sur les berges, profiter de l’air frais l’été et pique-niquer (en ramassant ses déchets) aux abords d’un cours d’eau, quoi de plus agréable ? Il est important de préserver ces entités paysagères, qui constituent une source de bien-être et un réel potentiel économique pour les riverains comme pour les touristes.
Vous l’aurez compris, un cours d’eau en bonne santé offre de multiples bénéfices. Restaurer les ruisseaux, rivières et fleuves, c’est rendre service à la biodiversité, au cadre de vie et au développement économique et social des territoires.
Concrètement, que fait-on ?
Depuis plus de 20 ans, les Agences de l’eau ont développé une réelle expertise sur les projets d’aménagement des cours d’eau. Concrètement, que font-elles ? Quelles sont les actions qui permettent de rétablir la continuité écologique des cours d’eau ?
Développer la connaissance
A l’échelle des territoires, l’enjeu est pour les collectivités d’identifier les pressions sur l’état des eaux. Pour ce faire, les Agences de l’eau les accompagnent dans le diagnostic de leur réseau hydrographique, afin de mieux identifier les enjeux de gestion de leurs cours d’eau. Mais comment évalue-t-on le fonctionnement d’un cours d’eau ?La méthode cartographique (outil SIRA), qui permet grâce à de nombreux critères de connaître de manière macroscopique le réseau et son état fonctionnel.
La méthode SADB (“sac à dos, bottes”), qui permet de diagnostiquer le cours d’eau d’un point de vue plus microscopique, en se rendant directement sur place et en observant l’état des milieux.
Évaluer l’efficacité
Il s’agit ici de démontrer l’efficacité des programmes de restauration sur les différentes fonctions des cours d’eau. Ces plus-values peuvent être évaluées d’un point de vue écologique ou même paysager ; par exemple, le retour de poissons migrateurs sur une zone de reproduction est une victoire pour la continuité écologique !Entretenir l’existant
L’entretien courant des cours d’eau passe par la gestion sélective des embâcles, la gestion de la végétation souveraine mais aussi la gestion des espèces exotiques envahissantes. Ces actions ont pour objectif de pérenniser les travaux de restauration engagés à plus grande échelle.Engager des travaux de restauration
Ces actions sont entreprises avec une logique fonctionnelle, pour qu’aucune intervention ne soit nécessaire sur le cours d’eau restauré par la suite. Les travaux sont réalisés en fonction des pressions observées sur le terrain et peuvent prendre la forme de la restauration de la morphologie des cours d’eau, de la restauration d’une fonction du cours d’eau via la recharge en granulats, de la pose de clôtures, de la plantation d’arbres ou de travaux hydrauliques de protection contre les inondations.
Et alors, ça fonctionne ?
Les travaux de restauration écologique des cours d’eau ont un impact positif sur l’ensemble des fonctions écologiques de ces derniers. Permettre le retour d’espèces emblématiques, offrir un cadre de vie plus agréable et protéger les territoires des inondations sont par exemple des conséquences directes de ces démarches de restauration écologique.
Entre 2013 et 2018
- Plus de 300 millions d’euros investis par les Agences de l’eau pour la restauration des cours d’eau
- Près de 16 000 km de cours d’eau restaurés
- Près de 30 000 km de cours d’eau entretenus
Entre 2019 et 2024
- 743,1 millions d’euros seront consacrés à la restauration des cours d’eau.
Aujourd’hui, il n’y a plus de territoire orphelin : les dynamiques de restauration des cours d’eau s’installent durablement autour de ces nouveaux enjeux, avec la prise de compétence administrative et obligatoire GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), ainsi que la DCE (Directive cadre sur l’eau) qui intègre l’hydromorphologie dans la gestion des cours d’eau.
Au-delà de la lutte contre les inondations, les collectivités doivent aujourd’hui s’engager sur la restauration des milieux aquatiques. Cela passe par la concertation entre les acteurs etla mobilisation du public !
Sources : Agences de l’eau